DNA : Chat échaudé…
Article des Dernières Nouvelles d’Alsace à propos de la réunion publique de l’ADIR sur la démocratie locale.
L’Adir invitait jeudi soir à débattre de la démocratie locale. De nombreux exemples de concertations ratées ont été évoqués. Si les associations et habitants ont pu être échaudés, ils n’entendent pas renoncer et font des propositions.
Le sociologue Maurice Blanc, à la fin de la soirée, constate qu’il y a la fois une méfiance à l’égard des élus et en même temps le besoin qu’ils soient là, une forme « d’attraction-répulsion ». Lorsqu’une habitante de la Krutenau a proposé un peu plus tôt que les réunions publiques se tiennent en l’absence des élus, la majorité des présents a en effet voté « non ».
La réunion publique de jeudi soir, organisée par l’Adir (association de défense des intérêts de la Robertsau) donnait la possibilité à chacun d’approuver ou non les propositions destinées à fluidifier l’exercice de la démocratie locale.
Pour une véritable co-production des projets
Dans la salle, il y avait des élus justement, les adjoints Chantal Cutajar, qui vient d’hériter de la compétence démocratie locale et le suivi des conseils de quartiers, et Eric Schultz, par ailleurs l’un des initiateurs d’un forum citoyen au lendemain des dernières régionales, ainsi que la conseillère municipale Edith Peirotes, qui s’est notamment mobilisée pour le sauvetage du foyer Saint-Louis. Ils ne sont pas intervenus dans le débat.
L’assemblée comptait majoritairement des Robertsauviens, hommes, de plus de 40 ans, investis dans l’associatif : c’est ce qu’a montré la « photographie » du public, chaque participant ayant répondu à un sondage express via des post-it à coller sur des panneaux. Un participant s’est en réaction demandé s’il ne serait pas bon de recruter du “sang neuf’’.
Maurice Blanc s’est essayé à décortiquer les idées reçues sur la démocratie locale et à en souligner les vertus, en préambule d’une soirée placée sous l’auspice de cette citation : « La dictature c’est ferme ta gueule, la démocratie c’est cause toujours. »
« Le temps apparemment perdu dans des débats considérés comme stérile en réalité est un temps qui fait avancer les esprits », juge l’universitaire. « La participation permet d’améliorer le projet initial, de faciliter un rapprochement des points de vue, pas pour arriver à un accord complet mais pour faciliter l’arbitrage. Et le passage en force est un risque de perte de temps après, en recours juridiques. »
À sa suite, plusieurs acteurs sont revenus sur des exemples de concertations qui les ont laissés sur leur faim. Jacques Gratecos, président de l’Adir, est revenu sur le foyer Saint-Louis (qui finalement ne sera pas démoli en partie, DNA du 8 octobre) et la zone 30, en regrettant la méfiance entretenue par l’absence de transparence. Marie-Laure Beaujean, férue de patrimoine, a évoqué la longue croisade pour sauver le Kaysersguet (son intérêt patrimonial résidait dans l’ensemble que constituaient cette ‘‘campagne” et ses dépendances), les nombreuses interpellations restées sans réponses, le manque de concertation. « Mais je reste optimiste », a-t-elle conclu, en faisant le vœu que les conseils de quartier soient vraiment informés des projets. Un habitant un peu plus tard a lui aussi émis le souhait que l’accès à l’information soit facilité.
Jean-Daniel Braun, de l’Adir, est revenu sur le PPRT (plan de prévention des risques technologiques) et sur la géothermie profonde au port aux pétroles, qui a été annulée : « À Reichstett, le projet de géothermie se fait au cœur d’une zone Seveso aussi. Les habitants ne se sont pas mobilisés comme à la Robertsau et les élus ont repris la main, même si les deux projets ne sont pas socialement acceptés », fait remarquer Jean-Daniel Braun pour qui les habitants peuvent parfois arriver à quelque chose. Pour que ça marche, il faut que les habitants puissent compter sur leurs propres experts, souvent des retraités qui mettent leur matière grise à contribution et épluchent des milliers de pages très techniques.
« Un réel problème de transparence »
Venus de Koenigshoffen, Pierre Ozenne et Joseph Chucri sont venus parler du tram. « C’est compliqué d’avoir des éléments, dans les réunions publiques tout est ficelé. Il faut avoir un maximum d’informations le plus tôt possible », a observé Pierre Ozenne, à la tête d’un collectif, tandis que Joseph Chucri, président de l’Apek, après avoir refait l’historique de douze ans de combat, a dénoncé « un réel problème de transparence, de bien-fondé et de contrôle. »
Au terme de deux longues heures de discussion, Jacques Gratecos a conclu : « Nous ne sommes pas le problème, nous sommes peut-être la solution », plaidant pour une véritable co-production des projets, celle-ci impliquant idéalement les élus, les techniciens et les habitants.
Sources © DNA du 11 octobre 2016