[Environnement] Il n’y a pire sourd que celui qui ne veut entendre
La géothermie profonde dans la vallée du Rhin supérieur a déjà une histoire. Sur la rive droite plusieurs forages ont conduit à des séismes plus ou moins importants qui ont entraîné l’arrêt des travaux.
Bruchsal de1983 à 1990 où les travaux ont été interrompus. Ils ont repris en 2002 avec un débit de pompage de 86 m3 /h à 2542 m de profondeur et une puissance électrique de 86 MW/h dont 70% est utilisé pour ses besoins propres.La chaleur 5,5 MW est utilisée en chauffage urbain.
Bâle où des séismes, 3,4 sur l’échelle de Richter, en décembre 2006 ont conduit à un arrêt définitif du projet.
Landau arrêté en 2009 suite à 55 secousses ayant endommagé 280 bâtiments, provoquées des fissures dans des routes et déformées une voie de chemin de fer. Les travaux ont repris récemment et l’usine produit 6 MW en chaleur et 3,8 MW électriques avec un débit de 250 m3 /h en pompage à 3340 m de profondeur.
St Gall où un séisme de 3,5 sur l’échelle de Richter a conduit à un arrêt total en 2013, après 55 millions de FS investis.
Sur la rive gauche le projet emblématique est celui de Soultz-sous-Forêts. Le premier forage date de 1987. De nombreux errements ont conduit finalement à des tests en 2010 avec 2 forages sur les 4 réalisés. Le site présentait l’avantage d’un sous sol étudié suite à l’exploitation pétrolière de la région au début du XX e siècle et un fluide naturel abondant : une eau saumâtre (salinité trois fois supérieure à l’eau de mer) présente en quantité importante dans les fractures naturelles du granit et qui circule naturellement sur de grandes distances. Les stimulations hydrauliques ont provoqué de très nombreux séismes dont 4 de magnitude > 2, avec 2,9 de maximale. A pleine puissance la centrale produit 1,5 MWe, soit environ 10 GW/h par an. Le schéma directeur des énergies de l’EMS prévoit 620 GW/h produits par la géothermie…
L’autre projet, actuellement en production est celui situé entre Rittershoffen et Betschdorf qui fournit de la chaleur à l’usine Roquette située à 15 Km. Pourquoi avoir foré aussi loin de l’utilisateur ? Parce qu’une anomalie du sous sol présente un réservoir d’eau chaude entre 2200 et 2300 mètres facilement accessible. Cette situation est très particulière.
A Illkirch-Graffenstaden, les travaux ont été arrêtés à l’été 2019, l’engin de forage démonté et évacué.
Le projet de Vendenheim n’a rien à voir avec ces derniers: Des experts précisent « Il est indispensable de mieux connaître la géologie 3D de cette zone pour pouvoir proposer un modèle hydrogéologique cohérent, c’est à dire la localisation des aquifères profonds, leur relation, la circulation de l’eau dans ces aquifères ou dans les zones fracturées, et finalement la connexion possible entre les deux puits ».
Geoven, au capital de 1.000 euros, filiale de Fonroche, opérateur en son nom propre, travaille ainsi à l’aveugle à 5000 m de profondeur. Le risque est énorme, surtout dans une zone hypersensible d’après l’EOST.
« Les données d’injection en tête de puits et de température du fluide ne sont pas disponibles.Or l’arrêté préfectoral du 24 mars 2016 impose une limite de 100 bars sur les pressions d’injection en tête de puits » Geoven ne respecte pas les prescriptions obligatoires et la DREAL ne contrôle pas. Peut-on encore faire confiance ?
« Fonroche indique avoir réalisé à quelques occasions des tirs d’explosifs en forage, mais ceux-ci n’ont pas été enregistrés par le réseau » de capteurs sismiques.
Ainsi l’opérateur effectue des opérations non prévues, voire interdites, et ne les enregistre pas ? La DREAL censée contrôler n’a rien vu. Peut-on encore faire confiance ?
Les experts constatent curieusement dans leur rapport de février 2020 que rien ne s’oppose à la mise en place des tests de traçage. C’est dans ce contexte que les essais ont conduit à deux événements dépassant la magnitude 2 les 27 et 28 octobre 2020, puis le 5/11/2020 alors que « la boucle géothermique a été placée dans des conditions de sécurité optimale dès le 29/10/2020 ».Enfin magnitude 2,2 le 8/11/2020 et les suivants…
Il est donc évident que personne ne sait maîtriser les conséquences des travaux en cours. Il faut impérativement les arrêter pour sécuriser les biens et les personnes.
De plus la chaleur récupérée devrait être utilisée dans un réseau de chauffage urbain. Mais celle ci est utile les 5 mois d’hiver. Que faire de la chaleur produite le reste de l’année, qui doit être évacuée avant de renvoyer l’eau dans le sous-sol ? Dissiper cette chaleur dans l’atmosphère et la réchauffer ? Est-ce bien écologique ?
Je n’évoquerai que pour mémoire la question financière. Ces projets ne peuvent vivre que grâce à d’importantes subventions.
L’avenir énergétique « enjeu démocratique majeur » écrivent deux de nos édiles. Alors il faut consulter les associations d’habitants qui se développent et qui luttent parfois avec leurs élus contre le projet de Vendenheim et ceux prévus ultérieurement dans l’EMS, pour la sécurité des biens et des personnes.
Si la transition énergétique est menée en « toute conscience de ses enjeux », il est une autre source d’énergie dont les élus ne comprennent apparemment pas les enjeux, la biomasse. Les chaufferies au bois sont les plus polluantes de toutes les chaufferies collectives, et émettent de grandes quantités de particules ultra fines recouvertes d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) et de dioxyde d’azote.
Les filtres installés tant au Wacken qu’au Port du Rhin n’arrêtent pas les particules, surtout celles de très petite taille. Les édiles strasbourgeois interrogés à ce sujet depuis plusieurs mois ont été incapables de nous fournir les émissions en sortie de cheminée. Les industriels sont en autocontrôle et les résultats seraient confidentiels.
Pourtant à Kehl les résultats sont publics et une chaufferie équivalente à celle du Port du Rhin émet 70 fois moins de poussières que l’autorisation au Port. Il faut rappeler que la combustion du bois libère la totalité du CO 2 emmagasiné pendant la croissance de l’arbre. Dans ce domaine également le dogmatisme mérite un examen approfondi.
Oui il faut diminuer les émissions de gaz à effet de serre. C’est plus vite dit que fait. Mettre la charrue avant les bœufs est contre productif. Les techniques doivent mûrir.
Certaines solutions méritent attention, travaux et investissements supplémentaires. Il faut veiller à faire les choses dans l’ordre, analyser les sources et obliger les émetteurs à faire les investissements nécessaires à la réduction de la pollution, même si les lobbies industriels rechignent et si les services de l’État regardent ailleurs.
Jean-Daniel Braun