La géothermie profonde ignore les citoyens
FONROCHE a retiré cet été son projet de forer à 5000 m de profondeur au Port aux pétroles. C’est à vous, habitants de la Robertsau, avec près de 150 contributions remises au Commissaire enquêteur, que revient la paternité de ce résultat. Mais ce sont aussi nos amis allemands, avec plus de 700 participations, et la municipalité de Kehl, qui ont aussi convaincu le Commissaire enquêteur des dangers de ce projet. Merci à vous tous !
Devant la levée de boucliers dans nos quartiers, des réunions publiques très suivies, des articles dans la presse, la municipalité de Strasbourg a décidé de ne pas ajouter de risques à ceux déjà présents au Port aux pétroles. Position annoncée lors de la réunion du 12 mars dernier et concrétisée par un avis négatif au Commissaire enquêteur, même si remis en dehors des délais de l’enquête.
La Robertsau ne verra donc pas de forage géothermique profond dans les prochaines années. Mais la municipalité de Strasbourg n’abandonne pas l’idée que cette technique a un avenir dans l’Eurométropole. A plusieurs reprises ses responsables ont afirrmé que cette technique d’avenir était bonne, mais pas n’importe où.
Le projet d’Illkirch Graffenstaden porté par Électricité de Strasbourg (ES) a obtenu le feu vert du Préfet. Après avoir fait l’objet de huit réserves par le Commissaire enquêteur, l’autorisation a été donnée, suite à la levée incompréhensible de ces réserves par le Commissaire, qui, après remise de son rapport, n’avait réglementairement plus à se préoccuper de son devenir. Mais tant au niveau national que local, les services de l’État et nos Élus ne résistent pas au lobby d’EDF. L’association allemande contre la géothermie profonde ne comprend pas que l’enquête publique de ce projet n’ait pas été étendue à Kehl et ses environs, comme celle pour le Port aux pétroles. Une réflexion quant à une éventuelle suite judiciaire est en cours par certains conseillers municipaux de Kehl.
A Mittelhausbergen, concernant un projet de géothermie moyenne énergie également porté par ES, le Commissaire enquêteur a émis un avis défavorable. Ce projet est administrativement caduc en raison du délai de réalisation dépassé.
A Eckbolsheim, autre projet porté par Fonroche, le Commissaire a également émis un avis défavorable. En revanche, le Conseil Départemental de l’Environnement et des Risques Sanitaires et Technologiques (CODERST) du mois de septembre 2015 a émis un avis favorable. Mais ce Conseil n’est plus qu’une chambre d’enregistrement au service du Préfet.
Le Conseil municipal d’Eckbolsheim, par deux fois, a rendu un avis défavorable. Le Préfet est passé en force et a autorisé le projet le 15 octobre 2015. La démocratie ne sort pas renforcée de l’ignorance des avis des habitants.
A Vendenheim, sur le site de l’ancienne raffinerie de Reichstett, un troisième projet porté par Fonroche était à l’enquête publique jusqu’à mi-octobre. Il est pour le moins étonnant qu’il ait reçu le soutien de l’Eurométropole.
Pourquoi ? parce que le bassin de rétention des boues de forage est situé dans la zone « R » du PPRT de Wagram Industrie, stockage de produits pétroliers dangereux.
Or, dans cette zone « R », tout nouveau projet industriel est interdit, à l’exception de ceux nécessaires à l’exploitation des installa- tions pré-existantes.
A proximité du lieu de forage prévu, deux autres PPRT sont en vigueur, celui de Butagaz et celui de Lanxess.
Si la géothermie profonde présente des risques, comme nous en avons convaincu nos édiles pour le Port aux pétroles, il en est naturellement de même pour ce site situé au centre de trois PPRT.
De nombreux rapports sont publiés aux USA sur la multiplication des séismes dus à la réinjection de l’eau prélevée dans son réservoir de production et sur la pollution des nappes phréatiques en raison de la perte d’étanchéité des têtes de puits par la corrosion et les microséismes.
Pourtant notre Administration et certains Élus s’entêtent à promouvoir cette technique industrielle non mature. Il n’existe aucun exemple au monde de puits donnant satisfaction sur une longue durée, et dans des conditions géologiques similaires à celles du bassin Rhénan.
Soultz, contrairement aux affirmations de ses promoteurs, n’a pas encore fait l’objet d’une exploitation industrielle pérenne, malgré 25 années de tâtonnements.
La preuve ? Actuellement sont mis en place de nouveaux équipements pour pallier la corrosion de ceux existants. Par ailleurs, l’absence de nappe phréatique dans cette région ne permet pas de conclure sur la question de sa pollution. Proche de Soultz, Ritter- shoffen est un forage de moyenne énergie et il n’a pas encore été mis en exploitation.
Monsieur Bernard Kempf, président d’ES Géothermie déclarait récemment aux DNA
« Pour donner une image du challenge, on peut dire qu’on cherche une feuille de papier de format A4 à 3000 mètres de profondeur sans pouvoir la visualiser. »
Aucune autre formulation ne peut mieux exprimer les inévitables tâtonnements lors des forages, et les déséquilibres créés par les travaux dans le sous-sol profond, ceux-là même qui conduisent invariablement à des séismes.
On ne peut qu’être étonné de l’inconscience avec laquelle les décideurs politiques autorisent des travaux qui, lors d’expériences précédentes et dans des conditions similaires, ont conduit à des désordres importants, voire irréversibles. Les habitants sont dans la grande majorité des cas opposés à cette technique. Rappelons que les incidents peuvent survenir pendant les travaux ou même plusieurs années après, en cours d’exploitation, et la responsabilité des promoteurs est alors difficilement prouvée. Le bon sens populaire ne semble pas se transmettre à nos décideurs qui se gardent bien de dialoguer avec les citoyens concernés.
L’absence de débat public et la conviction d’être omniscient apparaissent comme caractéristiques de la manière dont les services de l’Etat et les responsables de l’Eurométropole conçoivent d’exercer leur fonction.
Jean Daniel Braun